Shang Yang, le livre du prince Shang
Culture

Shang Yang 商鞅

Le Livre Du Prince Shang

Ce livre est une traduction du traité sur la loi de Shang Yang traduit et présenté par Jean Lévi orientaliste et sinologue, il est directeur de recherche au CNRS. Livre aux éditions Flammarion collection « aspect de l’Asie », éditée en 1981.
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Introduction du prince Shang

L’introduction au livre de Shang Yang est une présentation didactique des périodes qui ont précédé l’arrivée du livre du prince Shang. Période de la mise en place de loi stricte et rigide pour contrôler la société et rétablir l’ordre. Connu sous le nom de légisme. Pour bien comprendre la venue d’un tel livre, on remonte jusqu’à la période des Zhou avec des allusions aux dynasties précédentes. Puis il est expliqué le cheminement moral et l’évolution de la société par l’ensemble des conquêtes et des alliances qui vont obliger les princes à revoir leur mode de penser. De la morale issue d’une vision spirituelle du monde, l’évolution va tendre vers celle du stratagème et de la ruse. Les guerres et le commerce favorisent la fourberie des États si bien que tous les coups sont permis. La ruse intelligente, la malice prennent la place de la morale chevaleresque des précédentes périodes. Pour mettre un terme à cette décadence l’évolution se poursuit de sorte qu’elle atteint un nouveau palier, celui où la loi doit venir mettre de l’ordre pour rétablir l’équilibre et déplacer le curseur des priorités. C’est à ce moment aux alentours du IVe siècle que le personnage de Shang Yang apparait et met en place un système autant sévère que rigide. Le principe n’est pas dans l’enrichissement ni l’évolution du peuple ou du prince, mais dans la stagnation et l’alternance des périodes de paix et de guerre. Le fonctionnement repose sur des lois très dures et contraignantes pour abrutir l’ensemble de la masse.

« Lorsque les citoyens ne seront plus que des automates, l’ordre parfait se trouvera enfin réalisé ».

Celle-ci ne doit plus avoir le temps ni l’énergie de penser, mais seulement agir selon la loi. La paysannerie est le socle de l’édifice ainsi que la main active de l’état qui doit pousser son peuple soit à travailler, soit à faire la guerre. En aucun instant, il ne doit faire preuve d’oisiveté ou se permettre de trouver le temps de réfléchir. Le prince lui est semblable au peuple, peu importe qui il est, seule sa fonction dans la société est importante. Il veut l’annihilation de l’individualité, du caractère même de la personne. Le but de Shang Yang, par ça méthode sévère de promulguer la loi pour régir la vie et l’ordre, vise a rendre cette loi, qui fonctionne par châtiments et récompenses, inutile par tropisme. Ainsi assimilé au plus profond de l’être et devenu par nature partie intrinsèque à celui-ci, la paix et l’ordre sont retrouvés.

Livre I

Le livre 1 fait la synthèse des décisions à prendre dans le cadre des réformes nécessaires aux bons rétablissements de l’ordre et la paix (paix qui va de pair avec guerre selon Shang Yang). L’essentiel est de prendre des décisions et peu importe la volonté du peuple ou des divers lettrés.

« L’important est d’établir des lois en tenant compte des circonstances. Morales et institutions se conforment à l’esprit du siècle ».

Pour Shang Yang, deux axes régissent la gouvernance d’un état et maintiennent son immuable stabilité. Il faut légiférer pour réorganiser l’agriculture, augmenter le nombre de paysans et défricher de nouvelles terres et la fonction de la guerre qui éliminent le surplus et la vermine.
Toute la puissance de l’état dépend de l’économie agraire et de ceux qui la composent ou qui devraient agrandir sa composition. Ainsi sa vision de la loi telle qu’elle devrait être vise à soumettre le plus grand nombre à une activité agraire. Loin de toute oisiveté et autres activité artisanes superflues ou commerciale non essentielle. Selon lui, tout serait prétexte chez le peuple, lettrés et autres bourgeois pour s’éloigner de tâches ingrates et laborieuses comme celle de paysan. Selon lui, il faut occuper ces personnes un maximum et les abrutir tout autant afin de leur éviter d’avoir à penser. Le principe est de les pousser à agir pour la puissance et la gloire de l’état selon des règles précises, strictes et sévères. L’aspect violent de la loi doit être une obligation pour « purger la société de tous les parasites » qui sont des bouches à nourrir inutiles et affaiblissent l’autorité ainsi que la puissance de l’État. Le centralisme rigoureux de l’administration vise également à éliminer tous les abus de pouvoir, la corruption, situés plus ou moins haut dans les échelons de l’administration. L’ordre ainsi retrouvé, et la confiance envers les fonctionnaires restaurés toute l’attention est portée sur le développement de nouvelle terre cultivable.

Il faut abaisser les grands pour élever son peuple. Mais également prôner l’austérité par temps de prospérité afin de maintenir sa force. Il faut oser ce qu’aucun autre État n’ose, pour être puissant.

Livre II à V

Des livres II à V on découvre la stratégie théorique qui doit être mise en place pour diriger un pays correctement et l’orienter dans la direction du maintien de la puissance et de la paix. La paix est ici un oxymore, car Shang Yang ne perçoit la paix qu’au travers de la guerre et du travail.
À la manière d’un Machiavel de la chine ancienne, il enseigne toutes les ficelles qui permettent de tenir un peuple et une élite entre des mains fermes et impartiales, celle du prince. La loi qu’il prône afin de maintenir le peuple pour qu’il réponde à ces obligations n’est pas synonyme de droit au sens moderne du terme. La dictature par la violence et la démonstration de puissance par la force est une bonne description de la méthode à employer pour atteindre les objectifs de l’harmonie et de la paix. Ce livre n’est pas un manifeste à la Marx ou Engels, mais il est l’un des premiers à inscrire une théorie de la nécessité de tout contrôler et tout centraliser par la loi, dans les moindres détails. Le contrôle systématique et le centralisme visent à éradiquer tout soudoiement. Sa logique impose une loi stricte qui justifie des peines 100 fois plus sévères que l’acte commis, quel qu’il soit, et diminuer par la même occasion les récompenses d’autant. La reconnaissance et la récompense ne visent que les actes de bravoure ou d’héroïsme. Il veut ainsi par la violence et la force des châtiments infligés, parvenir à la paix pour le bien commun et par là même supprimer ce mal. Ainsi débarrassés de tous ses maux, l’État et le peuple peuvent être concentrés d’un seul corps vers la production agricole et se montrer dévoués jusqu’à la mort lors de batailles, pour la gloire de l’état et du prince.

Shang Yang par Sima Qian et Shang Yang jugé par la postérité

Deux petits textes, respectivement de 13 et 8 pages, clôturent ce livre. Une biographie et le texte de la dispute sur le sel et le fer.
On peut lire la biographie de Sima Qian qui dresse un portrait critique de Shang Yang et l’on perçoit aisément qu’il ne porte pas la théorie de Shang Yang dans son cœur. Réaliste ou non, cette biographie nous éclaire sur la perception que l’on avait du personnage.
Le deuxième petit texte se présente sous la forme d’un discours entre Le Grand Secrétaire et Les Lettrés. C’est un jugement de la vision de l’œuvre de Shang Yang qui est mise en perspective sous la forme d’une argumentation et de questionnement. Un peu similaire au modèle de dialogue chez Platon

Le prince Shang dans ses principes

Par sa frugalité franciscaine, l’ordre selon Shang Yang se veut pragmatique et dénué de toute sophistique qui pourrait nuire au travail industrieux qu’il faut mettre en place. Il faut une nation laborieuse tournée d’un seul corps vers le travail de la terre. C’est par cette méthode d’endurcissement que le peuple pourra se battre et gagner la guerre, condition sine qua non afin de résister à la rudesse des épreuves qu’elle inflige. Il faut être dix fois moins généreux et ne récompenser que les vrais actes de bravoure. Par opposition, il faut être dix fois plus sévère vis-à-vis de ceux qui ne respectent pas la loi ni la justice. Il n’y a pas de place pour les penseurs inutiles qui font dans la subtilité et l’intelligence, passant leur temps à penser plutôt qu’à agir. Il ne faut pas se perdre en frivolités telles que les arts ou la culture qui dévoie une bonne partie de ceux qui pourraient œuvrer à l’enrichissement de l’État par le travail de la terre. Au contraire, ils l’appauvrissent et sèment le trouble dans les esprits qui cherchent à échapper à cette tâche laborieuse.

« Il suffit d’un seul rhéteur pour détourner mille hommes de l’agriculture, d’un seul artiste pour en détourner cent.
La paix d’un pays repose sur ses soldats et ses paysans ,le prince leur doit sa gloire. »


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