Gastronomie chinoise, Le bonheur de la bouche de Zheng Lunian (2)
Culture,  Gastronomie

Gastronomie chinoise, Le Bonheur de la bouche

On pourrait dire que ce livre de Zheng Lunian est une anthologie de la gastronomie chinoise. Mais cela reviendrait à réduire les pensées de l’auteur dans une succession de propos tirés d’un idéal du passé.
Ce n’est pas plus un livre de cuisine, avec de nombreuses recettes, telles qu’on les connaît. Cependant, il présente 21 recettes à refaire chez soi. Ce n’est pas un livre d’histoire de la gastronomie chinoise, mais on apprend quel a été le processus historique, qui au cours de millénaires, à abouti à une des cuisines les plus sophistiqués voire des plus philosophiques qui n’ai jamais existé. Ce livre est en somme un précis de cuisine chinoise à l’attention des passionnés de gastronomie, mais également sinophile.

# 1 Quel est ce livre ? Un livre de cuisine, de gastronomie ?

Ce livre est un survol de ce qu’est la cuisine chinoise. L’auteur Zheng Lunian est un Chinois de Ningbo (près de Shanghai) qui connaît bien la gastronomie française. Je dis « survol », mais cela n’a rien de péjoratif sachant que plusieurs siècles et même millénaire d’empirisme, de réflexions poétiques, artistiques, médicinales on aboutit à cette gastronomie, de nombreuses thèses ne couvriraient pas la totalité de son répertoire culinaire. C’est en quelque sorte ici la synthèse en pensée d’un esthète averti qui maitrise son art, mais aussi la culture culinaire française.

Le bouquin est un éloge de la cuisine chinoise, mais sans ostentation, tout est en finesse, bien expliqué, très bien documenté avec de nombreuses références historiques et citations.
Les débutants pour qui la Chine et sa culture sont une inconnue seront séduits par cette mise en bouche qui invite à découvrir la vraie cuisine chinoise, bien loin de cette cuisine dénaturée et bas de gamme (sans faire référence au prix) qui abonde chez nous autres occidentaux.

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De l’aveu même de l’auteur, il est difficile d’accéder à de vrais chefs chinois qui maitrisent leur art sur le continent, c’est d’autant plus vrai à l’étranger. Un chef qui se respecte en chine n’est pas une star qui donne son nom à un plat, mais c’est plutôt un artiste passé maitre de son art par les années d’expérience et de travail. Il peut se trouver aussi bien dans les métropoles surpeuplées qu’au fin fond de la Chine.

#2 Gastronomie chinoise, les origines

La première partie du livre qui comprend 3 chapitres pose les bases et développe l’origine de cet amour pour l’art de manger. Le parallèle est souvent fait dans cette partie non pas pour comparer et savoir quel pays est le meilleur, mais c’est surtout pour comprendre la façon de faire et de penser de chacun. L’auteur bien qu’amoureux de sa cuisine chinoise, et je le comprends, n’en reste pas moins fairplay et ne compare pas l’incomparable. Il admet volontiers que l’histoire a amené à des évolutions culturelles et gustatives différentes. Il y a eu de nombreuses famines qui ont rendu le peuple chinois très curieux par nécessité, ainsi en Chine tout se mange.

Mais il y a aussi eu les grands penseurs, les grands inventeurs ou innovateurs en matière de médecine chinoise et par la même occasion la première forme de diététique au monde, puis aussi les dynasties introduisant leurs lots de coutumes avec des habitudes de consommation différente selon quelle soit du Nord ou du Sud et pour finir il y a la topographie et une population nombreuse, aussi diverses que variées.

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Inventions chinoises

Tout ceci engendre une richesse incomparable au niveau gustatif. Ajouter à cela une cuisine pétrie de philosophie bouddhiste, taoïste et plus encore, vous obtenez alors l’âme chinoise qui se trouve non pas dans des écrits, mais dans ses plats.

#3 Des styles de gastronomie chinoise différents

On découvre au fil des pages la cuisine de chaque grande région culinaire bien que, comme le souligne l’auteur, chaque ville, village, hameau est susceptible d’avoir ses particularités et ses tours de main. On découvre ainsi la cuisine chinoise par l’intermédiaire de la géographie, mais aussi de son histoire.

La cuisine chinoise se trouve donc divisée en 8 « grandes écoles culinaires » classées géographiquement :

  • 鲁菜 Lucai, la cuisine septentrionale du Shandong ;
  • 苏菜 Sucai, la cuisine orientale du Jiangsu
  • 浙菜 Zhecai, la cuisine orientale du zhejian ;
  • 徽菜 Huicai, la cuisine orientale de l’Anhui ;
  • 闽菜 Mincai, la cuisine méridionale du Fujian ;
  • 粤菜 Yuecai, la cuisine méridionale du Guangdong ;
  • 川菜 Chuancai, la cuisine occidentale du Sichuan ;
  • 湘菜 Xiangcai, la cuisine occidentale du Hunan.

#4 Manger pour vivre ou vivre pour manger?

Le parallèle est bien fait quand on découvre que tout comme pour les Français, manger est une véritable passion. À un détail près, on découvre un peuple chinois qui ne mange pas pour vivre, mais qui vit pour manger. En Chine on mange tout le temps, n’importe où et pour n’importe quelle occasion. Dans la rue, il est possible de se restaurer 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24. Les nombreux 小吃管 Xiaochiguan permettent de manger toutes sortes de plats à n’importe quel moment de la journée. Manger est comme chez nous, souvent c’est synonyme de convivialité, mais plus encore pour un Chinois ou il est inconcevable de manger seul ou à deux un plat dans un restaurant (sauf depuis récemment où mondialisation oblige, de nouvelles habitudes tendent à développer cette façon « à la française » d’aller au restaurant).

La convivialité n’existe pas sans alcool, donc il faut boire et porter des toasts à tout bout de champ, peu importe les raisons, il faut lever son verre et trinquer. On y découvre que la Chine est le pays de l’alcool (cf. Mo Yan, Le Pays De L’Alcool), on en boit beaucoup, mais pas avec les mêmes règles qu’en France.

Mon expérience personnelle : Le Restaurant, quelle aventure ! Chronique de Chine

Restaurant en chine

Si en France il est de bon gout d’avoir fait pour les plats à table un accord mets et vin, en Chine cela sera pour tout le repas ou presque un seul et même alcool qui accompagnera tous les plats. C’est souvent un alcool blanc et fort dans la tradition, mais les mœurs changent et il est courant de trinquer avec de la bière, voire du vin rouge lors des repas.

#5 A propos de l’auteur.

Qu’en est-il de l’auteur, lui-même se présente comme fils de « meishijia » « expert en belle nourriture » originaire de Shanghai ou plus précisément Ningbo à quelques kilomètres au sud. Né dans les années 40 il a connu la faim d’une époque où la gastronomie était encore à un certain apogée avant une descente poste communiste. C’est un gourmet qui nous fait part à la fois de son expérience, mais surtout l’histoire de sa cuisine, celle de son pays la Chine. Ce livre qu’il a écrit directement en français lui a pris 6 ans pour regrouper l’essence d’un art gastronomique peu connu. Il évoque en dernière partie plus d’une centaine de procédés de cuisson, comme je l’ai dit il donne 21 recettes « personnelle », de nombreuses bonnes adresses ou découvrir cette cuisine à Paris, Londres, mais aussi New York Singapour et bien sûr en Chine.

L’ouvrage est parsemé de caractère chinois très utile au sinophile plus ou moins averti avide d’approfondir ses connaissances dans le vocabulaire dédié à la gastronomie chinoise. Il est précisé à chaque fois s’il s’agit de la prononciation en mandarin ou en cantonais pour les plats venus de cette région. Le pinyin permet également des facilités de prononciation ou de recherche pour celle et ceux qui veulent aller plus loin.

#6 Pour conclure ce qu’il faut penser du livre.

C’est un livre qui nous met l’eau à la bouche, impossible de ne pas saliver à sa lecture. Il se lit par petite touche ou d’un trait selon l’envie, car sa structure est telle qu’il n’impose pas de tout avaler d’un coup, mais les gourmands ne pourront pas s’arrêter avant la fin. Le sinophile y trouvera du plaisir avec des explications linguistiques et culturelles précises ainsi que les nombreux caractères chinois placé à chaque fois que nécessaire. C’est un vrai plus que j’ai adoré et qui place également ce livre dans la catégorie apprentissage du chinois (attention il n’y a pas de cours de langue, mais c’est plutôt la mise en avant d’un vocabulaire gastronomique ou de plats chinois que l’on n’apprend pas en classe qui me fait dire ça).

De plus il est important de souligner que la préface, certes courte, n’est ni plus ni moins écrite par l’un de nos grands chefs reconnus mondialement qu’est Guy Savoy. C’est un indice de plus qui classe ce livre dans les incontournables de la connaissance culinaire chinoise.
À déguster sans modération.

Pour ma part je tente d’apporter ma petite contribution à la diffusion de cette cuisine infiniment riche 😉


Les Saveurs Des Plats et De la Culture Chinoise, l’Article

article sur mon étal du marché

## Interview de l’auteur sur LCF radio.

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2 commentaires

  • Carole Delorme

    Article vraiment très intéressant, et j’ai vraiment envie de l’acheter pour apprendre à bien cuisiner chinois.
    Merci pour cette perle

    • Florent C

      Attention le livre n’est pas un livre technique de cuisine mais il explique toute les subtilités de la cuisine chinoise en détaillant précisément comment fonctionne cette gastronomie. Il y a quelques recettes mais c’est plus que ça 🙂

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